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Justice Transitionnelle, une journée d’initiation proposée aux institutions locales



Jeudi 7 mars 2024, le congrès de la Nouvelle-Calédonie propose aux membres des institutions locales une journée d’initiation au concept de Justice Transitionnelle. Les intervenants spécialistes de cette notion encore mal connue en Nouvelle-Calédonie sont Jean-Pierre MASSIAS, Fabrice HOURQUEBIE et Magalie BESSE de l’Institut Louis-Joinet, qui étaient déjà venus sur le caillou pour participer à une soirée débat publique organisée avec succès dans l’hémicycle du 1, boulevard Vauban le 31 octobre dernier. Ils sont accompagnés par les rares spécialistes locaux en la matière qui, rassemblés autour du doctorant à l’UNC Emmanuel KOURIANE, pilotent l’organisation du futur séminaire proposé par le sénat coutumier les 11 et 12 mars prochains.

Après avoir abordé en matinée le thème de la Justice Transitionnelle au travers des questions générales de définition et des aspects pratiques qu’elle génère, les participants présents, notamment issus du sénat coutumier et du congrès, travaillent dans l’après-midi en ateliers sur les questions suivantes : Quelles fonctions de la Justice transitionnelle en Nouvelle-Calédonie ? Quels rôles des institutions pour la Justice transitionnelle en Nouvelle-Calédonie ?

Retrouvez le mot d’ouverture du président du congrès, Roch WAMYTAN, prononcé à l’ouverture de cette journée joint à cet article.

Pour comprendre cette journée de réflexion et d’échanges, nous vous livrons ici la présentation faite en entame de journée par Jean-Pierre MASSIAS (présent en visio-conférence), le président de l’Institut Louis-Joinet et professeur de droit public à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour, qui explique la Justice Transitionnelle (JT) par les mécanismes qu’elle incarne.

Un concept international

 « C’est la transition démocratique qui permet la JT et non l’inverse. La JT est le produit d’un contexte particulier. Elle est une justice de réparation qui replace les violations des droits dans leur contexte systémique pour faire en sorte qu’elles ne se reproduisent pas. Elle juge des systèmes au-delà des acteurs dans le but de les modifier. Elle permet d’aborder la notion de culpabilité de manière globale, politique, idéologique (exemple du IIIe Reich allemand). Elle permet ainsi la mise en place d’une commission Vérité et Réconciliation qui émet des recommandations en vue d’une réparation sociale. »

Une diversité de cas

« La JT est née dans les trois contextes historiques suivants : la fin d’une dictature (exemples de l’Afrique du Sud et des pays sud-américains), la fin d’un conflit (exemples du procès de Nuremberg et de l’ex Centre-Afrique), la fin d’un génocide (exemples du Rwanda et du Cambodge).

” Trois autres contextes plus récents dans l’histoire contemporaine ont également permis à la JT de s’appliquer : l’auto-transformation d’un régime autoritaire (exemple du Maroc), la prise en charge de certaines violences économiques et sociales, notamment sexuelles, dans nos sociétés modernes (exemple de l’Eglise catholique) et les politiques mémorielles mises en place par des Etats démocratiques qui ont connu des épisodes d’autoritarisme, comme dans le cas de la colonisation des peuples autochtones (exemple du Canada). Appliquée à la Nouvelle-Calédonie, la JT serait une forme de décolonisation historique pour rattraper les erreurs du passé. »

Une solution adaptée à chaque cas

« Dans chacun des exemples cités, l’instauration d’une commission Vérité et Réconciliation a permis de mener le travail. Mais la diversité des cas traités par la JT prouve la souplesse de ce concept qui reste pragmatique dans ses mécanismes de mise en œuvre systématiquement adaptés au contexte local. C’est ainsi que la JT permet des solutions adaptées par rapport aux faits commis.

” La souplesse de la JT s’illustre également par le fait qu’elle reste applicable au fil du temps. Quatre situations temporelles existent : la JT immédiate (aux faits jugés), la JT consécutive (au sortir des faits jugés), la JT différée (quelques années après) ou la JT post transitionnelle (après 20 ans). »

S’appuyer sur quatre piliers

« Comment exprimer juridiquement cette JT, si diverse ? Quatre principes de lutte contre l’impunité ont été posés par son père fondateur Louis-Joinet. Quatre principes directeurs qui permettent de traiter la violence comme un produit de l’Histoire et d’appliquer une justice globale qui vise à déconstruire cette violence systémique pour y mettre fin. Ces quatre piliers sont quatre droits pour les victimes : le droit à la vérité, le droit à la justice, le droit à la réparation (avant tout symbolique, sinon matérielle voire pécuniaire) et le droit à la non-répétition (et donc aux réformes politiques). »

Une définition  de la Justice Transitionnelle complétée par Fabrice HOURQUEBIE,  également de l’Institut Louis-Joinet, en ces termes : “C’est une justice de rattrapage, de dialogue, de compromis, de négociation, qui permet une grande flexibilité contrairement au cadre juridique classique. En somme, c’est une justice de catharsis à la recherche d’une vérité collective, qui pourrait être une solution pour le défi actuel auquel est confrontée la Nouvelle-Calédonie.”

 






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