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Le bilan du président du congrès Roch WAMYTAN pour la mandature 2019-2020



« Faire du congrès le cœur de la démocratie calédonienne »

Roch Wamytan a été élu président du congrès, le 24 mai 2019, pour la quatrième fois. Cette mandature un peu particulière a été marquée par la crise de la covid-19. Malgré les difficultés, le congrès a pu poursuivre son travail afin d’assurer le fonctionnement de l’ensemble des autres institutions. Cette mandature a également été l’occasion de mettre en place une mission d’évaluation qui a vocation à dessiner les contours du congrès de demain. Interview

Selon vous, quelle est la place du congrès parmi les institutions de Nouvelle-Calédonie et vers quoi pourrait-il évoluer ?

Notre objectif est de remettre le congrès au cœur de la démocratie calédonienne. Nous avions un certain nombre de choses à rattraper. Si l’on fait un peu d’histoire, on s’aperçoit que lors des discussions qui ont abouti aux accords de Matignon et Nouméa, on a beaucoup parlé du gouvernement, des provinces, des transferts de compétences et, finalement, assez peu du congrès. C’est la grande oubliée des accords. Lorsque j’ai été élu en 2011 et 2012, puis en 2013 et 2014, j’ai essayé de moderniser l’institution, de la placer au centre de la vie politique calédonienne. Pour cela, il faut donner tous les moyens nécessaires aux conseillers de la Nouvelle-Calédonie afin qu’ils puissent pleinement jouer leur rôle d’élus et contrôler l’exécutif.

Certains élus reprochent parfois au congrès de n’être qu’une simple chambre d’enregistrement…

Nous sommes dans un processus politique de décolonisation et d’émancipation. Chacune des institutions à son rôle à jouer pour assurer la pratique de la démocratie. Si l’on ne se donne pas les moyens alors oui, le congrès est une simple chambre d’enregistrement. Le congrès est la première institution du pays, il est important de changer cette image. Il faut sortir de cette position un peu statique et donner un nouvel élan, une nouvelle dynamique au congrès pour qu’il soit au cœur de la démocratie.

Comment cela se traduit-il concrètement ?

Cela passe par l’initiative parlementaire, la formation des élus, la formation du personnel administratif et faire en sorte que les élus disposent des moyens qui leur permettent de comprendre les textes et de les travailler afin de faciliter les débats pour que les meilleures décisions puissent être prises. La formation des agents qui aident les élus est essentielle. Ce travail a commencé en 2011. A l’époque, nous avons passé une convention avec le Parlement français qui a bien voulu nous aider à former nos agents et notamment administratifs. On sent bien que, depuis, il y a eu du changement. Si l’on regarde le premier projet de loi du pays qui était porté par Pierre Brétégnier il y a vingt ans, c’était une page et demie. Maintenant, il y a en moyenne entre 10 et 15 pages, bien conçues, argumentées et juridiquement solides. Cela permet aux élus de disposer de l’ensemble des éléments nécessaires au travail en commission. C’est ce que nous avons fait ces dernières années et que j’ai poursuivi lors de ce mandat.

Est-ce que les Calédoniens se sont appropriés cet outil et son fonctionnement ?

Tout doucement. Le congrès est une institution un peu loin des gens. Avec tous ces différents étages, les communes, les provinces, le gouvernement et le congrès, les gens ne s’y retrouvent plus. Il y a un travail d’information de l’opinion publique calédonienne à faire afin de préciser le rôle de chacun. L’opinion publique est proche des communes qui sont les institutions de proximité. Les provinces sont un peu plus éloignées. Pour le reste, les gens mélangent parfois le congrès, le gouvernement, voire même l’État et le rôle de chacun. Nous recevons les scolaires et nous avons accéléré le rythme, même si le confinement perturbe un peu tout ça. Sur une année pleine, nous recevons 650 scolaires, du CM2 à l’université. Le congrès doit être un lieu ouvert. Cette facilité d’accès passe aussi par les « Rendez-vous » que nous organisons autour de thématiques qui intéressent la société calédonienne. Nous en avons organisé huit cette année. Ces initiatives visent à positionner le congrès dans cet ensemble institutionnel du pays.

Le congrès dispose-t-il des moyens nécessaires pour communiquer sur les textes travaillés par les élus ?

Il y a encore du travail sur ce point. Depuis peu, nous offrons au public la possibilité de consulter les projets de textes dès leur dépôt, sur le site internet du congrès. Nous avons aussi la retransmission en direct des séances publiques sur internet. Toutes ces initiatives ont pour but de mieux faire connaître les délibérations ou les lois du pays qui sont adoptées par le congrès. Après, l’autre stade c’est la radiodiffusion ou une chaîne de télévision, comme la chaîne parlementaire en France. L’échelle est toutefois différente. Cela pourrait être quelque chose à mettre en place dans les années à venir. Cela contribuerait sans doute à mieux faire connaître le congrès, son rôle, et faire en sorte que la population s’intéresse davantage au travail législatif qui touche directement la vie des gens, leur quotidien. C’est parfois difficile de bien comprendre cette machinerie.

Cette mandature a été marquée par la crise de la covid-19. Quelles leçons en tirez-vous quant au rôle et à la place du congrès ?

Il y aura des évolutions à envisager. C’est une nécessité quand on voit ce qui s’est passé pendant la crise sanitaire. Le sénat coutumier ne peut plus être confiné dans le couloir étroit de l’identité kanak, il faut aller plus loin. La parole du sénat coutumier, c’est la parole des coutumiers et elle doit être prise en compte. Il existe le système de navette qui permet de prendre en compte cette parole. Ce système est cependant très peu utilisé, uniquement quand il y a des lois sur l’identité kanak. La crise a montré que le sénat coutumier doit être pris en compte. C’est d’autant plus nécessaire que ses avis permettraient d’éclairer les débats entre les 54 élus du congrès.

La covid-19 marque-t-il un tournant dans l’existence du congrès ? La crise a-t-elle été l’occasion de réaffirmer le rôle de l’institution ?

Quand on regarde l’organisation institutionnelle, on retrouve le législatif, l’exécutif et les coutumiers. Il a bien fallu mettre en place les structures coutumières que sont les aires et le sénat coutumier. Les rédacteurs français se sont retrouvés un peu coincés. Ce n’est pas tout de créer des institutions, il faut leur donner un rôle et des prérogatives. Qui est à sa place ou qui ne l’est pas ? C’est un débat qui refait surface et qu’il va falloir tenir. La grande leçon de la crise est qu’il va falloir aller plus loin dans la contextualisation des lois. L’empiètement des compétences entre l’État et la Nouvelle-Calédonie, la question sanitaire ou celle des libertés individuelles suscitent des questions et il va falloir apporter des réponses. J’ai essayé de faire jouer ce rôle au congrès.

C’était l’objectif de la cellule de crise ?

Le bureau élargi a d’abord siégé en cellule de crise sanitaire. Suite à la demande de Calédonie ensemble de mettre en place une commission d’enquête, nous avons décidé d’instaurer une mission d’information. Son objectif était d’informer les élus. Les délais étaient un peu courts mais cela laissait au congrès l’opportunité de réagir. Quand nous estimions que les décisions n’étaient pas conformes, nous pouvions le faire remonter. Ce fonctionnement n’est pas écrit mais a été décidé en bonne intelligence. Le congrès a fait la liaison entre le gouvernement et le sénat coutumier. Il y aura eu plus de 70 heures de réunions.

Le dossier de la coopération régionale est un dossier sur lequel vous êtes particulièrement impliqué. Quels ont été les avancées au cours de cette mandature ?

Sur cette question, nous travaillons sous le chapeau des accords de Matignon et Nouméa qui prévoient que la Nouvelle-Calédonie doit s’intégrer dans sa région naturelle. Le congrès doit fonctionner comme un petit parlement local. Comme tous les parlements, nous devons avoir des relations avec les autres parlements du monde. La diplomatie parlementaire permet de faire de la diplomatie économique et politique. Quand les gouvernements éprouvent des difficultés à développer des relations avec tel ou tel pays, ce sont souvent les parlementaires qui vont ouvrir les routes. C’est ce que nous avons fait l’année dernière à Fidji, avec le gouvernement. Les indépendantistes ont mis en place des réseaux depuis de nombreuses années pour obtenir un soutien international à leurs revendications. Nous avons donc une longue expérience de ces réseaux diplomatiques. Mais du politique, il faut réussir à passer à l’économique ou encore au culturel. Ces relations ont aidé à intensifier et structurer les relations avec le Vanuatu, par exemple. La première fois que la FINC s’est déplacée dans la région, en Papouasie Nouvelle-Guinée, nous étions également présents.

La covid a toutefois freiné les dossiers. Nous devions conclure un accord commercial avec Fidji et renforcer notre coopération avec les Salomons mais au retour de Nouvelle-Zélande, où nous avions signé un Memorandum of understanding (MOU) à la fin du mois de février, les frontières ont commencé à être fermées. Pendant la crise, nous avons toutefois maintenu ces relations avec de nombreuses visioconférences. En lien avec ces pays, nous avons également construit des relations avec le bureau du Programme des nations unies pour le développement (PNUD) de Fidji. Dans la région, le PNUD s’occupe essentiellement de 15 pays mélanésiens, polynésiens et micronésiens, mais notre très large autonomie permet une intervention du PNUD en Nouvelle-Calédonie. Depuis l’année dernière, nous travaillons ensemble. Pendant la crise, cela nous a permis d’avoir une vision plus large sur la manière dont les différents parlements de la région ont réagi.

Quelle est la finalité de ces relations avec le PNUD ?

Au-delà d’une meilleure connaissance des parlements, le PNUD peut nous apporter de l’aide en matière de formation. Il propose notamment un outil pour accompagner les élus dans l’étude des budgets. Ici, personne ne nous aide, les élus doivent se débrouiller comme ils peuvent. Le PNUD permet la venue d’experts qui aident à décortiquer les budgets et à comprendre ces documents un peu compliqués. La finalité est d’aider les élus à prendre les meilleures décisions.

Le PNUD qui travaille avec 15 pays de la région peut également nous aider à développer nos relations avec eux. Concrètement, cette voie est plus simple que de s’appuyer sur les ambassades françaises dont le fonctionnement administratif est beaucoup plus lourd.

Que retiendrez-vous particulièrement de cette mandature ?

En dehors de la crise de la covid-19 et de la coopération interparlementaire, je retiendrais la mise en place de la mission d’évaluation du congrès. Personne n’avait encore jamais fait cela.

En quoi consiste cette mission ?

Il s’agit de l’application du principe politique dans lequel nous sommes engagés depuis 30 ans. La Nouvelle-Calédonie est engagée dans un processus évolutif de décolonisation et d’émancipation. Lorsque l’on parle d’émancipation, cela doit s’entendre sur tous les plans et cela concerne notamment le congrès. Nous devons faire évoluer nos institutions de façon à ce qu’elles soient aptes à exercer les compétences d’un état indépendant ou, a minima, pleinement autonome. C’est vers cela que nous nous dirigeons. Aujourd’hui, toutes les forces politiques sont prêtes à ce que le territoire soit pleinement autonome avec un congrès qui fonctionne presque comme un parlement. Une fois que l’on a dit ça, comment fait-on ? Nous sommes passés d’un conseil privé du gouverneur à un conseil général, une assemblée territoriale puis un congrès. Quelle sera la forme de demain ? Il faut y réfléchir et être prêt à emmener le congrès jusqu’à un quasi-parlement. Pour en arriver là, il faut commencer par évaluer le congrès et son fonctionnement. C’est ce que nous avons commencé à faire.

Comment en êtes-vous arrivé à lancer cette mission ? 

Quand j’ai retrouvé le perchoir, le congrès rencontrait des difficultés en interne je me suis dit qu’il était temps de remettre à plat cette vieille mécanique qui doit évoluer vers quelque chose de nouveau afin d’atteindre l’objectif de faire du congrès le cœur de la démocratie calédonienne.

Comment travaille cette mission d’évaluation ?

Je tiens à rappeler que l’ensemble des groupes politiques du congrès a conscience de l’importance de ce travail et le soutient. Deux commissions ont été mises en place. La première, plus politique, est composée de personnes de très haut niveau comme des universitaires qui sont souvent aussi des responsables politiques. La seconde est une commission plus technique, plutôt composée de personnels administratifs. Avec le coronavirus, le travail a pris du retard mais nous avons tout de même pu avancer grâce aux visioconférences. L’idée est que la commission politique donne les grandes orientations sur les fonctionnements possibles du congrès, en tenant compte du point de vue et des analyses des élus, et le rôle des commissions administratives est ensuite de traduire cela plus concrètement. Ces experts de haut niveau, comme par exemple un universitaire qui a participé à la rédaction de la Constitution de la Papouasie Nouvelle-Guinée, ou encore un ancien sous-secrétaire général de l’ONU, sont très impliqués et se passionnent pour la Nouvelle-Calédonie. Ils regardent le pays de là où ils se trouvent et vont apporter leur vision et nous aider à faire évoluer nos institutions. Nous avons d’ailleurs fait appel en majorité à des personnes de la région pour sortir du cadre français. On voit bien que le copier-coller ne fonctionne pas. C’est un dossier particulièrement important pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.

Retrouver l’interview en vidéo

Le bilan complet du président du congrès Roch Wamytan pour la mandature 2019-2020 est téléchargeable dans cette publication






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